Le discours politique de Sonko : une lecture pragmatique

Après les élections, j’avais conclu mon texte qui parlait de cet évènement avec les propos suivants : « celui qui donne encore la moindre foi aux paroles des politiciens n’a qu’à porter son intérêt sur Ousmane Sonko, le seul chevalier qui peut tenir encore »

Et malgré cette affirmation constante que j’ai faite à travers cette phrase, il n’a jamais été question pour moi de penser qu’après un an et demi je me retrouverai dans l’obligation d’écrire une nouvelle fois à propos de celui-ci que je considérais comme un chevalier.  Mais là, il faut reprendre la plume suite à des changements qui ont conduit  ce jeune à s’embourber dans des querelles de politiciens en faisant jaillir des habitudes qui étaient presque toutes délaissées ; engendrant ainsi une avalanche de disputes et de bavardages récurrents. Cependant, pour détecter la cause de cela, se référer à l’analyse des méthodes de leurs paroles serait indispensable.  Ainsi, quand on se réfère au savant suisse Doussire qui, selon les termes de oustaz ‘ammouri saa’d, explique la différence entre la langue et la parole en considérant la première comme ayant un sens primaire et la deuxième comme appartenant au champ usuel quel que soit son état constructif, la lecture pragmatique nous montrera la transparence des mots et leurs caractéristiques qui sont souvent subtiles. Et dans le cadre de cette analyse, nous ferons en sorte de nous référer à des termes et caractéristiques qui seront des chiffres mettant l’observateur sur la voie de saisir les causes et les faits dont nous sommes en train de voir les conséquences. Ces chiffres se résument en ce qui suit :

1 le symbolisme du discours : l’analyse critique, avec toutes ces formes et méthodes, est basée sur des approches qui infèrent des éléments dominant l’inconscient de l’individu et, de manière très forte, laissent des impactes au fond de lui. Du coup, pour spéculer justement sur les constituants d’un discours afin d’en tirer une bonne conclusion, il faut recourir vers le contexte, car ce dernier reste la solution magique pouvant résoudre n’importe quel problème d’entendement. Ici, le contexte est beaucoup plus complexe qu’on ne le pense : il touche à la fois la situation nationale, internationale, l’histoire, l’objectif de l’orateur et l’état d’esprit de son interlocuteur. Chacun de ses données contribue à la mise en place du contexte, il est donc nécessaire de les rassembler toutes. Le fait également de déterminer le symbolisme du discours nous permet d’étudier le phénomène mondial qui se manifeste aujourd’hui à travers l’accès des jeunes au pouvoir. Et en parachevant les continents on peut prendre d’exemples le président Obama, Macron, et Paul kagamé. Mais dès la première approche, on laisse de côté Paul Kagamé du point de vue que son cas s ‘avère excepté et différent de ceux des autres, premièrement parce que la nation qu’il dirige est différente du Sénégal, de la France, et des Etats Unis. Deuxièmement, son accès au pouvoir alors que pays venait de sortir d’une situation très dégénérée ainsi que la formation militaire qu’il a acquise en tant que chef de milice durant le génocide rwandais et qui a façonné sa mentalité, tout cela constituent sa particularité, le différencient de ses pairs aussi. Donc on a Obama et Macron, et en comparant Ousmane Sonko avec ces deux leaders, qui ont pris le pouvoir de pays ayant des institutions bien érigées tout comme le Sénégal, je vois que notre compatriote est plus comparable au locataire de la maison blanche qu’à l’occupant de l’Élysée. Cela pour des raisons dont :

  1. Chacun de Obama et Sonko, durant leurs campagnes électorales, ont eu à s’accentuer sur les couches sociales marginalisées et en faire l’axe de leurs discours et le jalon principal pour fonder leur base électorale, tandis que Macron est appelé lui : « le président des riches ».
  2. Concernant leurs parcours, chacun des deux hommes a déjà été député, tandis que Macron n’a entendu que « monsieur le ministre », et l’expérience d’un député digne de ce titre reste plus considérable que celle de d’un ministre.
  3. Le fait d’écrire une nouvelle page dans l’histoire : au moment où Barack Obama se voit comme quelqu’un qui, en marchant vers la maison blanche, est en train d’ouvre une nouvelle page dans l’histoire des Etats unis en tant que noir, notre compatriote, lui aussi, trouve que son élection mettra le pays dans une ère nouvelle, puisqu’il incarne une époque dans laquelle vivent de nouveaux types de jeunes qui visent à diriger le Sénégal.
  4. Sonko s’appuie activement sur les réseaux sociaux au détriment des moyens traditionnels à point qu’on l’appelle ironiquement « le candidat des réseaux sociaux », tout comme Barack Obama durant ses campagnes électorales, et contrairement à Macron. Et cela a été aperçu comme un nouveau phénomène du monde moderne.
  5. Le fait d’avoir un ton très sévère. Ce point quant à lui peut lier Sonko à Macron. En effet, je vois que, contrairement à ces partisans, les rétorsions de Ousmane Sonko sont non seulement sévères mais sortent parfois du cadre courtois que l’on aperçoit de temps en temps chez Macron. Et cette attitude peut être expliquée par leurs comportements de jeunes qui se caractérisent souvent par cette fougue. De toute façon ce n’est pas appréciable, mais plutôt déplorable. En revanche, on constate chez Obama un esprit de dépassement très remarquable. Et sa réponse très polie à celui qui l’avait lancé en public : « Monsieur le président, vous mentez » peut approuver ce que je viens d’avancer.
  6. la simplification des questions économiques : à mon sens, la plus grande réalisation faite par Sonko est le fait de rendre accessibles les questions économiques et de les centrer au sein des débats publics après avoir resté durant des années un sujet des élites et leur propre domaine qu’ils ont codifié avec des termes spécifiques de sorte que le citoyen lambda n’y trouve pas accès. Sous une autre angle, une telle facilitation est elle-même comptée parmi les choses les plus importantes dans l’histoire des sciences. Socrate par exemple, en dépit de tout ce qu’il représente dans l’univers philosophique, a comme le plus grand succès son travail qui consistait à rabaisser le niveau de la philosophie du sommet au seuil pour garantir l’accès à tout le monde. Et avant Sonko, l’opinion public ne penchait jamais sur la question de nos richesses naturelles et de leurs distributions. En guise d’exemple, des phosphates et des mines d’or ont été vendues de façon scandaleuse à des sociétés occidentales au temps de Me Wade et ça n’a pas affecté le débat social comme il le fallait. Alors qu’aujourd’hui, les contrats sur notre pétrole et notre gaz créent des tensions et des questionnements dans la société. Et en tant que citoyens, nous devons une grande reconnaissance à Ousmane Sonko d’avoir attiré notre attention sur ces questions, peut importe si ses révélations sont vraies ou pas, ou s’il les a faites pour le compte d’acteurs différents ; car ce qui est sûre c’est que, étant comme des chiens de garde contre tous les contrats qui seront signés à l’avenir, cela changera la société, même si ce sera à long terme.

Les termes électoraux : on n’aura besoin ici de décoder les mots. Le mot système par exemple, malgré que j’en ai des réserves, constitue une grande échappatoire dont se servent les politiciens pour se laver les mains de leurs dégâts politiques dans lequel est tombé le pays depuis 55 ans. Oui, parce que tous ceux qui ont gouverné ainsi que même ceux qui ont participé dans les mafias se retrouvent tous unis par ce fameux terme, peut importe leurs rang sociaux. Cependant, ce terme ressemble à une coupe à double tranche dans la mesure où d’une part ses caractéristiques ne sont pas encore déterminés, et d’autre pars il est en mesure de constituer, comme on peut l’imaginer, une excuse pour faire ses campagnes électorales. Et le cas échéant, Mr Sonko sera obligé de faire appel à ses discours qu’il tenait lors des moments de déchaînement dans lesquels la moindre erreur pourrait faire perdre tant de soutiens déjà acquis.

Quant au terme suivant « nos richesses naturelles » c’est ce qui construit sa légende personnelle en tant que celui qui l’a mis au centre du débat, dans la casquette de défenseur des intérêts du peuple. Ce terme est celui le plus présent dans ses propos. Alors pourquoi y porte t-il tant d’intérêts ? est-il du fait que c’est le point de départ vers le progrès souhaité ? Je pense que ce n’est pas obligatoire, et le Singapour sert d’exemple parfait dans ce contexte. Est-il un moyen pour se présenter comme l’avocat qui défend nos intérêts pillés ? je ne sais pas. Ou bien parce qu’il prend la défense de sociétés qui ont perdu des marchés. Je ne sais pas encore. C’est peut-être le point faible du gouvernement actuel ? j’en ai aucune idée.

Le mot « indépendance » quant à lui ainsi que tout ce qui en découle, reste l’élément qui pousse beaucoup d’intellectuels et d’élites à prêter la main à Sonko. Effectivement, vu que depuis des années on attend soit sa réalisation soit quelqu’un qui nous fait croire que c’est bien possible. Dans ce contexte, imaginez tout simplement la grandeur d’exprimer en France l’intention de sortir du Fcfa avant même de le déclarer au Sénégal. Personnellement, je vois bien sûr que c’est un terme au sens symbolique et au message très fort, peut importe ses aboutissements.  On ne peut pas donc nous empêcher de saluer et d’encourager cette action. C’est comme s’il incarnait la parole de Salih Taib : «  me voici chez vous, je suis la miette de la poison dont vous vous ai servies jadis pour éliminer des âmes »

En conclusion, ceci est le minimum de l’analyse pragmatique qui me semble nécessaire pour comprendre n’importe quel programme électoral, sinon les mots seuls peuvent parfois tromper, et l’interprétation peut induire parfois à…

Auteur: Elhadji moustapha MBAKCÉ
Traduction : Mamour DRAMÉ

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