Khadim Ndiye sur la réhabilitation de la statue Faidherbe
(*) Khadim Ndiaye.
J’apprends que la statue de Faidherbe à saint-Louis est remise à sa place.
Rien ne m’étonne dans ce Sénégal. La compromission et le larbinisme sont cultivés au plus haut niveau.
Il y a une bataille, quand vous la perdez, vous perdrez toutes les autres batailles. C’est celle de l’imaginaire. Quand vous n’avez plus la conscience du passé, vous errez et perdez le but puissant qui fait la force d’un peuple et qui donne une orientation à l’âme nationale.
Ce pays est malade d’une absence de décolonisation à tous les niveaux pratiquement. L’élite politique et une bonne partie de l’élite intellectuelle préfèrent se vautrer encore dans la colonialité. C’est de cette élite complice dont Cheikh Anta Diop parlait quand il disait qu’elle participe « d’une façon criminelle ou innocente à la désintégration de la société, à la pulvérisation de la partie vivante du passé, à laisser périr les valeurs fondamentales (histoire, langues, etc.) qui constituent le ciment de la société. »
Comment peut-on célébrer un personnage qui est, non seulement un criminel notoire, massacrant et brûlant tout sur son passage, mais un raciste invétéré, attestant la hiérarchie des races, célébrant le « guerrier blond logiquement triomphant », chargé de « régénérer la race noire »?
Cette dernière (« la race noire »), écrivit-il, « sera toujours à la merci des races mieux douées ».
En plus d’être raciste, Faidherbe a été celui qui a figé les communautés ethniques du Sénégal et de presque toute la sous-région ouest-africaine. C’est une vérité attestée. Alors que nous savons que les ethnies dans la période pré-coloniale étaient des « ensembles mouvants » et « perméables », beaucoup de travaux universitaires le prouvent, Faidherbe a contribué, par sa manipulation raciologique, à les figer en imposant des catégories rigides. La plupart des problèmes ethniques résultant de la colonisation en Afrique de l’Ouest, ont été suscités dans les officines de Faidherbe.
C’est un tel personnage que l’élite politique nous impose.
Il faut sauver ce pays qui part à la dérive.
(*) philosophe et chercheur – Canada